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Les bonnes feuilles de Vent d'Auvergne
16 novembre 2007

Mondialisation et modèles sociaux

I. La dimension humaine de la mondialisation
Au-delà de ses implications politiques et économiques, la mondialisation a une dimension humaine considérable: elle peut changer la vie de millions d ' êtres humains.
Grâce au développement et à la croissance qu' elle déclanche la mondialisation libère les hommes de la misère, de la maladie et de l'ignorance.
Mais les hommes ainsi libérés sont aussi les acteurs de leur libération: ce sont leurs efforts, leurs initiatives et aussi leurs sacrifices qui leur permettent d'entrer dans le concert mondial.
Enfin et non le moindre les relations intimes qu'elle crée au-delà des frontières fait que la mondialisation est un facteur de compréhension et de paix, elle reconstitue la grande famille humaine inutilement et trop longuement déchirée.
Ainsi la mondialisation fait-elle des hommes libérés, des hommes acteurs, des hommes rassemblés.

2. La condition humaine dans une économie mondialisée
La condition ouvrière fruit de la Révolution Industrielle au 19ème siècle a été celle du travail pénible, du déracinement social et parfois de la détresse physique et inorale. Bien que les historiens aient souvent noirci le trait, puisque le progrès social n ' a cessé d' accompagner la croissance économique, il n' en demeure pas moins que nombreux sont ceux qui pensent que l' on peut éviter aux plus pauvres de la planète une grande partie des souffrances endurées jadis par les ouvriers d'industrie en Europe.
Pour les adversaires déclarés de la mondialisation et du marché, la condition humaine dans les pays pauvres est le fruit de l'exploitation capitaliste. Le succès sur le marché mondial s'obtiendrait grâce au « dumping social », c'est-à-dire aux bas salaires et à l'absence de couverture sociale pour les travailleurs asiatiques, africains, latino américains. En Europe même le dumping social serait systématiquement pratiqué par les pays d'Europe Centrale et de l'Est.
D'autres observateurs de la mondialisation, plus modérés, ne manquent pas de relever les souffrances et dégradations vécues par les femmes et les enfants au travail.

3. La réglementation du travail
Ces critiques de la mondialisation, au nom de la justice sociale ou de la dignité des êtres humains, appellent aux yeux de certains une réglementation mondiale du travail. Le doute est permis et sur la pertinence et sur la sincérité de cette réglementation.
D'une part il n'est guère possible. d'imaginer que les niveaux de vie des plus pauvres puissent être alignés en une génération sur ceux atteints dans les pays anciennement développés. Dans des zones de misère où l'essentiel est de survivre, le maigre salaire est une manne pour un travailleur sans connaissance ni formation. Progressivement, l' expérience, la qualification et la mobilité aidant, il sera possible de constituer une maigre épargne qui permettra d'avoir un toit et d'investir dans les enfants. Puis viendra la constitution d'une classe moyenne, puis les inégalités s'estomperont. Ce processus, qui a demandé un siècle d'efforts. aux Européens, est en train de se dérouler sous nos yeux en moins de dix ans parfois.
Pour montrer l'importance de l'environnement institutionnel, ce sont les pays pauvres les plus libres qui se sont développés, tandis que les pays les moins libres se sont encore appauvris.
D'autre part les intentions des « réglementeurs » ne sont pas toujours avouables. Au prétexte de protéger les pauvres, on cherche souvent à se protéger contre la concurrence de leur travail. La réglementation du travail aboutit en fait à nier la liberté du contrat de travail et, parfois, la liberté de travailler elle-même. Dans les pays développés incapables de s'adapter à la concurrence des pays émergents, un fossé se creuse entre productivité et rémunération. Au lieu de répondre au défi de la main d'oeuvre non qualifiée par une meilleure formation et une productivité accrue, on veut conserver un pouvoir d'achat à un niveau économiquement injustifié. La compétitivité disparaît et avec elle des millions d'emplois.

4. La couverture sociale
Contrairement à ce que soutiennent les dénonciateurs du dumping social, la couverture des risques de la vie et du métier n'est pas une priorité, mais un progrès lentement acquis.
L'aversion pour le risque est faible pour des gens sans ressources, qui vivent au jour le jour. Pour eux, les risques courants sont souvent assumés par la solidarité familiale ou communautaire. Le besoin de sécurité et les services d'assurance ne seront satisfaits qu'après d'autres exigences: se nourrir, se vêtir, se loger. Ils ne seront accessibles qu'une fois une épargne constituée.
A l'autre bout de l'échelle, dans les pays où règne l'Etat Providence, on observe une dépense considérable en couverture sociale. La thèse du dumping social exige que tous les pays s'alignent peu à peu sur les normes maximales -ce qui est évidemment utopique et ruinerait toute chance de progrès social mondial.

5. Charges sociales et compétitivité
On devrait par contraste s’interroger sur ces dépenses sociales qui handicapent certains pays dans la compétition mondiale.
S'il s'agit d'un choix volontaire des individus et des familles, il n'y a sans doute rien à dire, sauf à préciser qu'ils doivent assumer eux-mêmes le coût d'une meilleure couverture des risques.
Mais, précisément, ce sont des décisions politiques qui imposent ce niveau élevé de couverture et décident de prélèvements obligatoires sans cesse croissants. Les systèmes publics de protection sociale, loin d'aider les assurés, les conduisent à la ruine, au moins pour deux raisons: la première c'est leur mode de gestion sans contrôle, sans stimulation, sans responsabilité, la deuxième c'est leur choix en faveur de la « répartition », une option ingérable pour des populations vieillissantes.
La mondialisation va sérieusement remettre en cause ces systèmes de sécurité sociale. Pour sauver « leur » Sécurité Sociale certains Etats n’hésiteront pas à accepter les déficits croissants, et la dette sociale s'accumulera -elle est en France supérieure à la dette de l'Etat.
Ils utiliseront des artifices, en augmentant les cotisations, en diminuant la couverture, en révisant unilatéralement les conditions de l'assurance, voire en faisant supporter une partie de la note par les étrangers.. Ces mesures n'empêcheront pas l'explosion des systèmes, là où aucune réforme véritable n'aura été réalisée.

6. Tous ennemis ou tous ensemble ?
Finalement, les débats autour du dumping social sont assez déprimants, car ils laissent penser que les intérêts des peuples sont opposés, puisque la guerre économique mondiale serait engagée. C'est une nouvelle version de la lutte des classes, déplacée au niveau mondial. Elle en est tout autant critiquable et haïssable, parce qu'elle dresse les peuples les uns contre les autres, exacerbe un « patriotisme » qui tourne rapidement à la xénophobie, et parce qu'elle nie cette, réalité fondamentale: les échanges marchands sont de nature à apporter un bénéfice substantiel à tous ceux qui les pratiquent, à enrichir les pauvres sans appauvrir les riches.
La mondialisation est en réalité l'occasion de constituer un espace de rencontre des hommes et des cultures, d'effacer l' histoire des incompréhensions et des guerres. Les changements institutionnels qu'elle implique se ramènent à la reconnaissance de droits individuels conformes à la nature et à la dignité de la personne humaine. La mondialisation donne à chacun la chance de son  épanouissement au service des autres. La mondialisation est l'occasion de rendre les hommes plus humains, créateurs, serviteurs, libres et responsables.
L' « homo globalis » est bien plus sympathique que « l'homo oeconomicus ». C'est le même Adam Smith qui a expliqué comment naissait la richesse des nations et pourquoi elle exigeait des sentiments moraux: les sentiments moraux font la richesse des nations.

7. Liberté, Responsabilité et Subsidiarité
Certes les sentiments moraux se découvrent et se cultivent mieux dans des environnements institutionnels favorables: c'est ce que l'on appelle le bien commun, la commune reconnaissance du bien. Mais quelles que soient les réformes institutionnelles de nature à mettre les hommes en situation de liberté et de responsabilité, les comportements individuels demeureront toujours déterminants.
Quels que soient les mérites de l'ordre marchand, ils ne peuvent effacer la nécessité d'un ordre communautaire. La solidarité volontaire trouve dans la mondialisation l'occasion de s'exprimer, elle accompagne les efforts de ceux qui sont encore en panne de développement. La solidarité s'organise suivant le principe de subsidiarité. Un monde nouveau peut se construire, plus proche des aspirations de l' être humain.
Le système éducatif prépare-t-il les jeunes à construire ce monde nouveau ? La tradition des universités, les rencontres internationales leur offrent l'occasion de la découverte, de la compréhension. La vie familiale et associative leur permet d'acquérir et de cultiver l'esprit de service. La plupart des jeunes sont ouverts à la différence, et respectueux de la diversité. Ils sont aujourd'hui bien placés pour réaliser à travers la mondialisation l'espoir d'une humanité retrouvant l 'harmonie et la dignité que cherchent les hommes de bonne volonté, de tous les pays.

8. Conclusion: Liberté et dignité de la personne humaine
Notre réflexion sur la mondialisation et les réformes institutionnelles qui l'accompagnent nécessairement s'achève sur des considérations éthiques.
C'est une tradition de l'Université d'Eté de la Nouvelle Economie.
Voilà trente ans maintenant que nous essayons, dans les mêmes locaux, parfois avec les mêmes interlocuteurs, de diffuser les idées de la liberté. Et voilà trente ans que nous avons fait le choix de terminer nos Universités sur une note éthique. Il y a à cela une raison fondamentale: c'est avant tout pour des considérations éthiques que nous sommes libéraux.
Le libéralisme est souvent présenté et défendu sur le terrain purement économique, comme une recette d'efficacité, et il est bien certain que le libre échange et la libre entreprise sont bien plus performants que l'économie dirigée et la planification. Les considérations scientifiques établissent la supériorité du libéralisme.
Mais beaucoup de personnes sont moins soucieuses d'efficacité que de justice et de paix. C'est occulter un pan entier du libéralisme que de le ramener à une simple doctrine économique. Le libéralisme c'est avant tout une vision de l'homme et des relations entre les hommes.
Notre vingtième Université avait pour thème « liberté des actes, dignité des personnes ». La liberté est offerte à chaque homme, il la porte dans sa nature même. Mais elle n'est pas le but ultime. Elle a pour mission de permettre aux hommes d'épanouir leur personnalité, de participer à cette civilisation de l'amour qu'évoquait Jean Paul II.
C'est sans doute en donnant toute sa dimension à la pensée libérale que nous vaincrons l'ignorance ou le mépris dont elle souffre aujourd'hui, particulièrement en France.
Il appartiendra sans doute à d'autres, plus jeunes et plus talentueux de prolonger ce travail amorcé depuis trente ans: faire savoir que c'est la dignité de l'homme que nous défendons à travers sa liberté.

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