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Les bonnes feuilles de Vent d'Auvergne
7 janvier 2009

Quelle transition? par Vaclav Klaus

Poursuivant la retranscription des travaux de la XXV° Université d’Eté de la Nouvelle Economie sur le thème general: “25 ans après : rétrospective et prospective de la liberté”, la Nouvelle Lettre vous propose cette semaine la synthèse de la conférence introductive de Vaclav Klaus, ancien Premier ministre et ancien Président du parlement Tchèque, l’auteur du « miracle Tchèque ».      

Quelle transition? Cette même question se posait 12 ans en arrière. Elle couvrait en fait trois interrogations : Où aller ? Comment y aller ? Comment y rester ?    Où aller ?    Notre intention n’a jamais été de réformer le communisme, ni d’inventer quelque nouvelle utopie, du genre de la « troisième voie ». En Janvier 1999 à Davos, j’avais lancé la formule : « la troisième voie est la voie la plus rapide vers le tiers-monde » (the third way is the fastest way to the third world). Elle a eu son succès. Ce que nous voulions en réalité, c’était nous donner une bonne vieille économie de marché capitaliste, fondée sur la propriété privée et l’Etat minimum. Nous voulions avoir de vrais prix, que nous n’avons plus depuis quarante ou cinquante ans : de vrais prix, et non de « justes prix » (free prices, not fair prices). Nous voulons avoir un vrai commerce, en finir avec l’autarcie : un vrai commerce, pas un commerce « équitable » (free trade, not fair trade). Et comme dans toute démocratie, nous voulions la liberté d’expression, la vraie (free speech not fair speech). Bref, nous aspirions au marché libre et à la démocratie parlementaire : rien de bien original ni de révolutionnaire. 

Y sommes-nous parvenus ? Je ne suis pas très optimiste. Si nous avons définitivement démoli le communisme, nous n’avons pas pour autant créé une société de liberté. Nous n’avons pas démoli le socialisme, et nous continuons à croire dans les vertus de l’intervention et de la régulation du gouvernement. C’est la victoire de la social-démocratie, et de toutes les variétés de troisièmes voies, qu’elles s’appellent communautarisme, environnementalisme, droit de l’hommisme, politiquement correct, européanisme, corporatisme ou ONGisme. Autant de formes de collectivisme. Et la recette à la mode est : réglementez, alignez les niveaux de vie de tous les pays sur ceux des plus riches et des plus développés : suivez les ONG, abandonnez votre souveraineté entre les mains d’instances et organisations internationales...   

Comment y aller ?    Changer le gouvernement et éliminer le communisme n’a pas été le plus difficile. Certains jouent les héros ayant courageusement lutté contre le communisme, mais en fait le communisme avait implosé et tombait en ruine.  La relève pour construire une démocratie parlementaire a été facilement assurée, bien que les relations entre la société civile, les réseaux communautaires, et les hommes politiques nouveaux n’aient pas été toujours simples, beaucoup de gens voulant se passer des partis politiques et s’écarter des schémas habituels de la démocratie en court-circuitant le Parlement.  La vraie difficulté n’a pas été politique, mais économique. Comment changer le système et gérer la transition au marché ? Beaucoup de théoriciens de la transition ont été partisans du gradualisme : il fallait procéder par étapes et mettre en place les institutions et les structures d’une économie de marché avant de procéder à une totale privatisation. Le prix Nobel Joseph Stiglitz, qui a été président de la Banque Mondiale et du Conseil of Economic Advisors de Bill Clinton, a soutenu qu’il fallait une évolution graduelle et lente de la réglementation et des institutions avant de libéraliser le marché. En fait, suivre cette méthode conduit les pays à différer leur passage au marché de 10 ou 15 ans.  La libéralisation du marché peut-être immédiate, et le processus de privatisation doit être accéléré. On ne peut pas instaurer une économie de marché quant l’Etat détient 100% de la propriété de la totalité des entreprises – comme c’était le cas en Tchécoslovaquie.

Il a donc fallu privatiser de façon massive, à grande échelle. Si la libération des prix et des échanges a été facile en dépit du choc social pour une population qui ignorait depuis un siècle ce qu’étaient les prix et les revenus monétaires, la privatisation a été plus délicate à gérer, mais elle a connu un plein succès, n’en déplaise à Stiglitz.   Comment y rester ? 

Comment ne pas perdre le bénéfice de la libération et des privatisations une fois qu’elles sont réalisées ? La transformation du système économique produit une forte secousse. Les gens ont du mal à sortir d’un monde fait d’activités irrationnelles, propres à une société sans prix et sans commerce ; ils n’étaient pas habitués à de vrais emplois, à la productivité, à la relation entre efforts et récompenses. Mais ils ont fini par admettre l’importance des coûts de l’ancien système.  Cependant, le changement des mentalités peut être compromis par des fautes de dirigisme économique commises par des gens irresponsables. Cela a été le cas en République Tchèque, au milieu de la décennie 90, au moment où est survenue la crise financière et monétaire en Asie et en Amérique Latine. La Banque Nationale Tchèque s’est lancée dans une politique monétaire restrictive. Cela a conduit à un exil des capitaux et à une récession économique qui ont affaibli de nombreuses entreprises et banques. Les Tchèques n’étaient pas préparés pour cette mésaventure. Ils ont pensé avoir été trompés et trahis par les politiciens qui les avaient persuadés des bienfaits du capitalisme, des marchés libres, de la déréglementation et de la privatisation. Il n’a pas manqué d’experts étrangers de toutes sortes pour dramatiser et incriminer la rapidité des réformes et suggérer leur propre interprétation, en persuadant les gens qu’il ne fallait pas aller plus vite que ce que permettait l’évolution institutionnelle. Ils ignorent sans doute ce que tout le monde sait à Aix : l’émergence et le développement des institutions sont endogènes.   

Voilà, me semble-t-il, la véritable question qui se pose aujourd’hui, comme il y a douze ans : les êtres humains n’étant pas des robots, étant livrés à des impressions et soumis à des pressions parfois trompeuses, comment poursuivre dans la voie de la liberté ? 

V.Klaus


Compte rendu paru dans la Nouvelle Lettre numéro 722 du 28 9 02
À lire sur le site: www.libres.org         

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